Micaela et moi avions prévu de nous retrouver pour acheter nos uniformes, après Fleury & Bott. Pour le reste, c’était tout de même relativement compliqué, il fallait le reconnaître, même si nous nous étions croisées à la librairie… Mais ça, c’était tout à fait possible. Je l’attendais donc devant la boutique de Madame Guipure, pour l’instant relativement tranquille – amen. Cela me changeait agréablement de l’ambiance survoltée qu’il y avait un peu plus tôt chez Fleury et Bott. Autant dire que je préférais largement ça. Après, je comptais bien passer à l’animalerie pour un chat, ou une chouette ou un hibou. Il était plus que temps que j’en ai un. Je poussai un petit soupir et regardai ma montre. Si Micaela tardait encore, j’allais entrer dans la boutique sans elle, tant pis ! Peut-être était-elle encore chez Fleury et Bott, après tout ! Je décidai de patienter encore cinq minutes, persuadée qu’elle allait bientôt arriver. Dix minutes plus tard et toujours pas de cousine, j’entrai dans la boutique. Elle me rejoindrait à l’intérieur, tant pis. Je pouvais toujours flâner dans les rayons sans rien essayer ni acheter en l’attendant.

J’entamais donc un petit tour de repérage en attendant la violoniste, observant les nouvelles tendances, repérant les rayons qui pouvaient nous intéresser, notamment ceux qui concernaient les tenues d’équitation pour lesquelles rien n’était imposé par la direction de l’académie. Oh ! Comme j’avais hâte que Micaela arrive !! Je revins vers le rayon des robes classiques et commençai à les regarder quand un doigt se posa sur mon épaule. Je commençai à sourire avant même de me retourner et commençai en français :

« C’est à cette heure-ci que… »

Toutefois, je m’interrompis en plein élan après m’être retournée. A la hauteur où aurait-dû se trouver le visage de ma cousine – qui était plus grande que moi – il n’y avait… Rien. Je descendis le regard jusqu’à croiser celui d’une petite vieille - dans tous les sens du terme – aux cheveux filasses et au visage couvert de verrues, à moins qu’il ne s’agisse carrément de furoncles prêts à exploser eurk.

« Oui ? » demandai-je d’un ton hésitant.

« Tu es très jolie ma mignonne… Je pense que tu vas pouvoir m’aider… »
« A quoi ? » demandai-je sceptique en masquant mon dégoût.

« Habille-moi ! »
« Pa…Pardon ? » m’étranglai-je.

« J’ai un rendez-vous ce soir, avec l’homme le plus beau qui existe sur terre… Et je veux lui plaire. »

Savait-il seulement à quoi elle ressemblait ? Cette folle avait non seulement besoin d’un relooking intégral, mais elle n’aurait pas dépareillé dans une émission américaine qui faisait un tabac depuis plusieurs dizaines d’années : ‘Relooking Extrême’ avec quelques dizaines d’opérations de chirurgie esthétique, elle serait, peut-être, présentable ? Je doutais, toutefois, que je puisse faire quelque chose pour elle. Elle se pencha alors vers moi, et me glissa sur un ton de confidence :

« Si j’aime ce que tu me proposes, je t’offre ta tenue… »

Mmmh… Voilà qui était déjà nettement plus intéressant !

« Bon… D’accord… Mmmh… Vous préférez quoi, comme couleurs ? » demandai-je avant de voir ma cousine arriver enfin !

Alors que j’attendais la réponse du laideron, ma cousine – ma sauveuse – fit enfin son apparition. Je résistai avec peine à l’envie de lui demander ce qu’elle avait foutu pendant tout ce temps, mais, en fait, je n’en eus même pas besoin : un coup d’œil à son épaule m’informa qu’elle avait fait un détour par l’animalerie avant de venir. Vive la ponctualité… songeai-je. Le rongeur, qui fort heureusement pour les oreilles de tout le monde était un rat et non un lapin, trônait en effet fièrement sur elle. Dire qu’elle serait obligée de le cacher à l’Académie… Il faudrait, d’ailleurs, que je lui en touche deux mots lorsque nous serions en tête à tête, ces bestioles à longue queue n’étant pas du meilleur effet au sein de notre école de magie. Pour ma part, les rats ne me dérangeaient pas. Bien moins, du moins, que leurs comparses à longues oreilles et à petite queue ronde. Un frisson me parcourut l’échine à cette simple pensée et je bénis Micaela pour sa prise de parole.

« Je proposerai plutôt des couleurs sombres et sobres pour garder un côté class' et des coupes fluides pour allonger la silhouette, et peut-être une touche de couleur pour... donner un peu plus de chaleur. Du rouge ça donnerait un côté plus dynamique et sensuel. Ou du rose pour la douceur. Ou encore un jaune ou un orange vif pour vous faire paraître encore plus jeune... »

« Je suis d’accord avec ma cousine » renchéris-je. « Le noir est une couleur des plus chic au monde, et cela peut se porter avec tout, en plus ! Vous pouvez aussi bien décider de le porter avec du rouge un jour, qu’avec du jaune le lendemain ! Il n’y a rien de mieux. Ca va à tout le monde, et sa affine la silhouette… »

Oups ! Gaffe ! Gaffe ! Gaffe ! Mon radar interne passa au rouge avec une sirène retentissante pour me signaler que je venais de merder. Je n’eus même pas le temps de me rattraper aux branches que, déjà, mon interlocutrice venait de monter au créneau :

« Vous sous-entendez que je suis grosse, c’est bien cela ? »

« Non ! Non ! bien sûr que non ! » me récriai-je en tendant les deux bras en avant, pour me protéger vainement du sortilège qu’elle semblait déjà prête à me lancer « je parlais dans les généralités ! Je vous expliquai, simplement, les propriétés du noir ! »

Elle sembla se calmer et rangea sa baguette.

« J’aime mieux ça… »

Je pus à nouveau respirer, mais retins quand même mon soupir de soulagement, pas certaine qu’il serait bien passé. A la place, je regardai autour de nous avant de me diriger vers un rayon de tenues noires, laissant pour le coup Micaela en tête à tête avec la petite vieille. A elle de gérer quelques instant, le temps que je trouve une robe relativement large, qui fasse son âge, sans pour autant la transformer en sac à patate. Autant dire que ce n’était pas fait, avec un énergumène de ce type là. Par la barbe de Merlin, dans quoi me suis-je fourrée…