Je dormais et pour une fois, chose remarquablement rare, je dormais bien ! Pas de rêve, pas de cauchemar. Je ne me réveillais pas en sursaut à cause de la sensation d’être écrasé par des murs de terre. Non, ce qui me réveilla en sursaut ce matin, c’est un boucan monstrueux dans la rue sous ma fenêtre.
Une voisine, une vieille sorcière dont j’avais oublié le nom était en train de s’engueuler avec un commerçant du coin. Bien décidé à me venger pour une fois que mon sommeil n’était pas agité, je passais ma tête par ma fenêtre mais la refermais aussitôt quand le ton monta.

« Pas besoin de faire pareil tintamarre quand vous rentrez le soir ! Il y a des gens respectables qui dorment ! »

Mais qui utilisait encore ce genre de mots ? J’avais l’impression d’avoir fait un bond en arrière. Bien sûr, l’engueulade ne s’arrêta pas là.

« Vous respectable ? Laissez-moi rire vieille chouette ! »

Et ben mon vieux… C’était parti pour durer. Adieu sommeil, adieu tranquillité. Comme s’ils ne pouvaient pas allez s’engueuler ailleurs que sous ma fenêtre… Je décidais de laisser tomber et de m’habiller pendant que ces deux là réglaient leurs comptes. Je ne les entendais plus qu’en sourdine maintenant que je n’y faisais plus attention. Un café, une cigarette et je me posais quelques secondes dans mon canapé, les pieds sur la table, sur le journal. Ah… le journal…

« Occupez-vous de votre petit fils cracmol vieille emmerdeuse. »

Grand bruit, éclats de verre. Ah, les choses se gâtaient en bas. C’était le moment de dégager. S’il y avait riposte, j’étais pas prêt de pouvoir bouger, en plus, je m’ennuyais ferme, je ne travaillais que le soir aujourd’hui. Je transplanais pile devant chez Fleury et Bott. Hum… Inconsciemment, j’avais mis les pieds dans un des rares endroits où j’aimais me retrouver seul.
Je poussais la porte, j’entendis la clochette retentir et je me mis à déambuler parmi les rayonnages. Je ne comptais absolument pas acheter quelque chose mais tant qu’à être ici, autant regarder ce qu’ils avaient en leur possession. En passant mon doigt sur la tranche des livres, je repensais à l’altercation en bas de chez moi… Ridicule, stupide, bruyant, comme si l’Allée des Embrumes n’étaient pas déjà assez animée ? Ceci dit, le gars n’avait pas tord. On logeait pas dans le coin si on était respectable. Y avait qu’à voir le voisinage pour piger où on était. Secouant la tête, je finis par descendre un livre de son étagère. Je l’ouvrais. Un livre sur les gobelins ? C’était une blague ? Je ricanais, le refermais et le remettais à sa place. Non mais sans blague. Comme si j’allais acheter un truc pareil ?

Je me retournais pour faire face à… un gobelin ? Non mais bordel, c’était le jour, c’était pas possible autrement. Il me fusillait du regard. Quoi ? Il avait un problème ? L’information mis un instant à arriver mais c’était logique. Oh putain la boulette… Je venais de froisser un gobelin. Tout ce qu’il fallait pour s’attirer des emmerdes, c’était vicieux, c’était rancunier, c’était… Je détestais les gobelins…
Bien entendu, avec ma grande gueule, je ne réussis pas à empêcher une parole malheureuse de sortir de ma bouche.

« Quoi ? Ça vous arrive jamais de vous foutre de nous peut-être ? On a pas idée de déclencher autant de conflits pour rien. »

Vu la tête qu’a tiré le gobelin après ça, je n’avais plus qu’une seule option… Éviter les dents, éviter les sorts, éviter le gobelin tout court. Je ne suis pas lâche mais là, je crois que la fuite s’imposait si je voulais aller bosser le soir même. Et puis, je comptais encore pouvoir venir faire mes courses chez Fleury et Bott, la boutique dans l’Allée des Embrumes ne me convenait absolument pas. En claquant la porte, je jurais.

« Saloperie de gobelins. C’est d’un susceptible… »