Tu as mal.

Doucement, une infirmière t'aide à te lever de ton lit. Tu retiens tes gémissements de douleur. Tes os ont été ressoudés, mais tu dois encore prendre dix potions différentes par jour pour que le tout tienne en place. Surtout, surtout, tu souffres. Tu souffres à chaque geste, à chaque respiration, à chaque regard. Les gardiens continuent de te considérer comme dangereuse, malgré ton incapacité à lever le bras pour faire quoi que ce soit. Malgré que ta baguette n'ait pas été retrouvée, lors de ton arrestation. Malgré ton teint pâle, tes yeux éteints, ta silhouette fluette, brisée.

Tu as mal.

Tu poses tes pieds au sol et tu te défais de la poigne de l'infirmière. Une douche. On t'a permis une douche. Tu as entendu la discussion proposant que tu rejoignes les aires communes, mais tu as entendu quelqu'un refuser catégoriquement cette idée. Vélane, as-tu entendu. Trop dangereux, trop risqué. Même entre ces murs épais et froids, ton don agit et il ne faudrait pas qu'un événement fâcheux vienne troubler la routine de l'établissement. De toute façon, ton esprit est toujours assommé par les potions et dans tes rares moments de conscience, tu ne sembles trouver plaisir à rien. Tu ne veux voir personne, tu restes silencieuse. Ils ont pensé que tu avais été atteinte au cerveau, le choc peut-être, mais non. Tu t'es emmurée dans ton silence, troublé seulement la nuit, alors qu'être étendue est un supplice pour ton corps et tu geins, que tu supplies, que tu implores, que tu cries parfois.

Tu as mal, mais tu vas pouvoir être seule.

Peu inquiets à l'idée de te laisser seule dans les douches, on t'a laissé t'y rendre. Tu t'es dégagée des mains de l'infirmière et tu as pris tes vêtements propres, ainsi qu'une serviette, et tu t'es rendue lentement jusqu'aux douches. Tu poses tes vêtements dans un coin, tu accroches ta serviette sur une barre, tu t'appuies contre le mur pour reprendre ton souffle. Un bruit d'eau, des gouttes qui s'écrasent sur le sol. Tu tentes de retirer ton chandail, mais tu es incapable de lever tes bras bien haut.

« Merde. »

Ton juron a sonné comme un râle rauque, entre les murs. Nouvelle tentative. Tu n'as pas vraiment envie de te laver avec ton chandail, disons-le. Tu retires donc ton pantalon large, restant en sous-vêtements – ton père t'a apporté quelques effets personnels dont une pile de sous-vêtements propres pour que tu n'aies pas à mettre ceux fournis par la prison, avec toujours ton chandail. Tu soupires.
Ce sera long et pénible.

Ce n’était pas la pièce qu’il fréquentait le plus souvent, et ce pour deux raisons : il n’avait rien à y faire, et il trouvait les réserves de la cuisine plus agréable. Parce que bon, quand même, ça sentait vachement plus mieux bon. Enfin des fois non, genre, quand on faisait cuire des artichauts. Là c’était pas vraiment top, mais d’autres fois ça sentait bon la crème caramel par exemple. Alors que là dedans, ça puait le linge sale crasseux tout plein de transpiration très désagréable. Mais bon, il avait pas vraiment eu le choix en fait, parce que pour une fois, le chef était dans la cuisine. Alors pour faire sa petite sieste il avait dû filer se planquer. Et maintenant qu’il avait fait un bon gros dodo, il pouvait joyeusement sortir de la corbeille de linge dans laquelle il s’était installé. La pièce était dans la pénombre, c’était tout noir même. Il voyait rien du tout du tout. Il tâtonna pour trouver la poignée de la porte, ne songeant pas un seul instant à utiliser sa baguette pour faire un peu de lumière. Faire trop de choses en même temps c’est compliqué quand même ! Et là, il se retrouva face à un charmant spectacle super chouette qu’il s’attendait pas à voir. Une donzelle en culotte. Et une jolie culotte, en plus. Bon elle était toute abîmée la blondinette, puis elle était toute crade, mais elle sentait bon. Et Chicken aimait bien les filles qui sentent bon. Parce que ça fait tout plein de papillons sympa dans le ventre. Genre c’est trop le bonheur. Puis du coup après les papillons ils montent dans la tête, et tu te sens tout bien. Et bah la pareil. Il était content. C’était cool. Il la regarda un moment, se demandant ce qu’elle fichait ici, on aurait dit qu’elle était toute jeune, et même qu’elle ressemblait presque à une petite fille. Et elle bougeait pas, genre toute coincée dans son pull. Il rit, c’était drôle en fait.

On dirait t’es toute miséreuse et toute perdue ! Tu fais quoi ici ?

Question stupide, vu le lieu elle ne pouvait pas faire grand-chose ici, mais la logique faisait souvent défaut à Tiziano.

Il me reste un brioches dans ma poche si tu veux. Et même que après je peux t’aider à retrouver ton chemin !

Il lui souriant, de toutes ses dents, homme galant et courtois, un vrai gentleman. Puis il mordit de toutes ses dents dans la brioche, oubliant qu’il venait à l’instant de la proposer.

Un rire te fait brusquement sursauter et tu te recules, effrayée. Tu n'as pas entendu personne arriver, occupée que tu étais à tenter de retirer ton chandail, et lorsque tu te retournes, il y a quelqu'un. Un homme. Vêtu d'un uniforme – sans doute travaille-t-il ici. Ce n'est pas celui des gardiens, mais le fait qu'il soit un employé te rassure un peu. Tu n'as pas vu de détenus d'Azkaban et tu ne veux pas vraiment en rencontrer, les pires rumeurs circulant à leur sujet. Ton coeur se calme dans ta poitrine, mais tu es toujours aussi tendue. Tu ne devrais pas. Tes muscles et tes tendons tirent sur tes os, comme s'ils cherchaient à les rompre à nouveau, et la question de l'inconnu résonne entre les murs de la salle de douche.
Ce que tu fais ici ? Tu hausses un sourcil, interrogatrice. C'est tout de même plutôt évident, ce que tu comptes faire, ici... Tu ne cherches pas non plus à te laver dans une cuisine, soyons clair. Tu réussis à articuler, toujours de ta voix rauque, douloureuse dans ta gorge brisée par les hurlements et le silence que tu t'imposes :

« Je me douche. »

Tu veux avoir la force de passer un commentaire cynique de plus, mais tu ne l'as pas. Tu espères prendre ta douche, surtout, si tu réussis à te dévêtir entièrement. Chose que tu ne risques pas de faire devant cet homme.

Tes yeux pâles cherchant la sortie, la regardent avec insistance, reviennent se poser sur l'homme qui semble trop joyeux d'être dans ta compagnie. Son regard te dérange, mais tu n'as pas vraiment la force d'être virulente, ou menaçante. Sans baguette, les os brisés et en rémission, faible. Miséreuse : ce mot dont il t'a qualifiée s'applique avec justesse, malheureusement. Il continue de parler, te propose une brioche qu'il mange sous tes yeux, désire t'aider à retrouver ton chemin. Un signe négatif de ta tête. Tu n'as pas besoin de son aide. Comme pour appuyer ce fait, tu lui tournes le dos et tentes à nouveau de retirer ton chandail, lui répondant sur le même ton que précédemment :

« Non merci. Je n'ai pas faim. Je ne suis pas perdue. Je veux seulement me doucher. »

La pudeur est quelque chose que tu as depuis longtemps chassé. Celle de ton corps, dans tous les cas. Il fait froid. Tu frissonnes. Tu réussis à enlever un de tes bras d'une manche, mais tu attends un peu pour le deuxième. La douleur de tes épaules est affreuse. Tu coules ton regard vers l'inconnu, tourne ton visage :

« N'avez-vous pas du travail à faire ? »