Pour la première fois de sa vie peut-être, Zéphyr s'inquiétait d'une situation. Pas de savoir que la Troisième Tâche approchait, ni que dans quelques jours, la face du monde aller changer ou quoi que ce soit de ce goût -non, ça, ça la rendait en colère et la faisait jurer plus que d'accoutumée -même en dormant, elle devait grogner un nombre incalculable d'insanités sur les quelques heures qu'elle pouvait dormir par jour.

Non, là, c'était pire encore. Un dîner avec Carrietta, sa mère d'adoption, auquel la chasseuse de primes avait gentillement invité Alabaster. Mais môman, avec le tact et la délicatesse qui la représentait tant, avait bien fait comprendre à Zéphyr ce qu'elle pensait de l'Organisation, de leur façon de faire -surtout la façon qu'ils avaient eu de saccager le département qu'elle administrait et c'était bien là le plus outrageant aux yeux de Carrie sûrement. Et subitement, l'invitation qui avait tant fait plaisir à la kazakh s'était transformée en une espèce de piège dont elle ne pouvait pas se défaire. Elle aurait certes pu annuler -prétextant le travail ou quoi que ce soit d'autre- mais l'idée de revoir une dernière fois Carrietta avant... tout ça lui avait aussi traversé l'esprit. Pas que Zéphyr soit tombée dans un sentimentalisme écœurant ou pareille idée -loin de là et le premier qui dirait un truc pareil....- mais elle aimait beaucoup Carrietta et n'avait eu que très peu d'occasion de lui rendre visite ces derniers temps. Bref, l'idée qu'elle pourrait perdre la vie dans cette bataille qui se profilait avait traversé l'esprit de la chasseuse de primes plus que jamais.

Et rien que pour ça, elle irait voir Carrietta, elle lui servirait des sourires hypocrites et légèrement trop accentué s'il venait à parler politique …. et elle avait invité Alabaster histoire d'espérer une diversion ! Enfin, pas uniquement pour que Carrietta bombarde de questions vives ou trop directes le pauvre homme, mais.... enfin si, presque.

Vêtue d'une robe longue noire qui mettait à leur avantage chacune des formes de Zéphyr sans être trop vulgaire ou extravagante, elle marchait à pas vifs dans les rues sombres de la capitale anglaise vers le domicile de son cavalier sur soir -et de biens d'autres par ailleurs. Bien sûr, elle aurait pu transplaner, mais marcher lui permettait d'ordonner un peu ses idées, de respirer un peu et surtout de profiter de la nuit. La nuit qui était son univers la plupart du temps, son terrain de chasse et de traque. Ses longues cheveux coiffés avec minutie dans un chignon d'où pendaient quelques mèches folles, ses talons claquant sèchement sur le pavé froid, Zéphyr insultait la buée, l'humidité et tout ce qui lui passait sous la main pour gérer quelque peu son stress. Arrivée dans les quartiers Nord de la capitale anglaise, Zéphyr se dirigea sans une hésitation vers l'endroit où créchait Alabaster. Elle frappa quelques coups sur la porte et n'eut pas à attendre longtemps avant qu'un Seoc sur son trente-et-un sorte et ne ferme la porte derrière lui.

Retenant un commentaire acerbe, elle se contenta d'un tic de la bouche et d'un soupir avant de remettre la cravate de l'homme bien comme il fallait et reboutonner quelques boutons dans les bons trous de la chemise. « C'est mieux comme ça. », dit-elle avec un sourire narquois, à peine moqueur. Puis elle attrapa son bras, qu'elle serra bien plus fort que d'accoutumée -on ne vit pas ses derniers jours chaque soir – et ils transplanèrent jusque chez Carrie.

« Je te préviens, Carrie n'a pas vraiment les même opinions politiques que nous. A vrai dire, elle a une dent contre nous depuis qu'on a saccagé le département des mystères. Ronge ton frein et souris quand elle dira quelque chose qui ne va pas dans ton sens. Ah, et ne prête pas attention à l'ectoplasme plein de vent qui traîne pas là, il crie plus qu'il n'est vraiment crédible. ». Zéphyr regarda une dernière fois son compagnon, remit machinalement des cheveux en place histoire d'avoir quelque chose à arranger, aussi futile et vain que ce soit et ajouta : « Elle reste néanmoins une femme charmante. »

La chasseuse de prime actionna la sonnette de la porte et dans la minute elle entendit le fantôme d'Evan Rosier débiter un nombre incroyable d'injures et d'insanités à l'encontre d'Alabaster. Zéphyr plaqua un sourire crispé sur son visage, qui devint un tantinet plus naturel lorsque la porte s'ouvrit pour laisser apparaître une Carrietta pimpante et souriante. « Je suis heureuse de voir que la connerie congénitale de ce fantôme n'est pas passé dans tes gènes, Carrie. », articula-t-elle avant de coller à son tour deux bises sonores sur les joues de sa mère d'adoption. « Je te présente Alabaster Caufiled. Un... ami. Je me suis permise de l'inviter ce soir, j'espère que ça ne te contrarie pas trop. »