Love potion ; défi


« Attends, attends, où t'as mis l'essence de belladone ? »

Clinquement de fioles, rire, bruit de verre cassé.
L'atmosphère était plutôt lourde, à la Gazette, depuis la fin de la Deuxième Tâche. Tout le monde était revenu de la Russie avec une montagne d'articles à écrire et tout le monde était donc enfermé dans son bureau, ou encore dans les cafés surchauffés qui bordaient le bâtiment où logeait le journal, laissant donc la place silencieuse. Un peu fantômatique, comme atmosphère, même. Plusieurs pensaient encore aux évènements qui avaient suivi la folie et l'euphorie de la victoire d'Armyanski et un goût étrange restait dans la bouche de tous ceux qui avaient eu leur part dans la pagaille ministérielle. Et même ceux qui n'avaient rien pu faire goûtaient cette atmosphère... Il n'en tenait donc qu'à Niels d'en profiter pour jouer un mauvais tour à Lancaster et Williams, ceux-ci étant actuellement absents des locaux de la Gazette, pour, apparemment, des « raisons personnelles ». Hin hin. Une merveilleuse opportunité, même, quand on y pensait... Faire un coup à Williams était toujours une partie de plaisir et, avec un peu de chance, ça allait redonner le sourire à leur rédactrice en chef, fort pensive depuis son retour de l'Est. C'est subrepticement qu'il était entré dans le bureau de Vera, ouvrant le dernier Sorcière Hedbo à une page bien précise avant de refermer la porte derrière lui. Il ne se risqua pas à la verrouiller par un efficace Collaporta, sa baguette étant encore trop puissante pour sa poigne.

Le journaliste s'approcha du bureau de sa patronne jusqu'à être tout près d'elle, pour ensuite lui parler sur le ton bas de la confidence :

« Envie de t'amuser un peu, aujourd'hui ? »

Il avait posé le magazine devant elle, exposant la page en question. « Philtre d'amour pour sorcières glamours », article écrit par Gilda Wall-Langdon. Une illustration dessinée, toute de rose et de cœurs mouvants, avec des commentaires faussement probants face aux effets de ladite potion miraculeuse. Une daube, finalement. N'importe qui pouvait le reconnaître, pas besoin d'être Soltan Amasyan pour s'en rendre compte. Mais surtout, un article génial quand on lisait dans les yeux de Niels la suite de son plan machiavélique, chose dont il fit part à la délicieuse Vera :

« J'ai une revanche à prendre sur Williams. »

Et tant pis pour Lancaster, hein. De toute façon, tout ce petit jeu de compétition durait entre eux depuis un moment, ceci ne serait qu'une étape de plus dans celui-ci. Un haussement de sourcils suggestif et Niels reprit le magazine, invitant sa supérieure à le suivre. Ensuite, ce serait tout à son droit de le rejoindre dans la kitchenette de la Gazette. Chose qu'elle fit, mettant l'homme en joie.

Une demi-heure, maintenant, qu'ils s'échinaient à trouver tous les ingrédients nécessaires à la confection de cette damnée potion, ceux-ci passant de l'essence de belladone à de la cassonade, sans oublier de l'eau de rose et des dards de Billywigs. Tout ceci ne lui inspirait pas confiance, à Werner, mais au moins, ses aptitudes en potions lui laissait deviner qu'à date, ils étaient en train de réussir leur mixture. Et heureusement que c'était la baguette de Vera, en suspends au-dessus du chaudron bouillant, qui mélangeait le tout... avec la sienne, ils auraient déjà été assurés de finir avec la cuisinette repeinturée de frais. Et empestant l'arnaque amoureuse, aussi. Là, déjà, il venait d'échapper une fiole d'essence de belladone sur le plancher. Maugréant, Niels en prit une autre -non, il ne ramassa pas celle qui avait été brisée- et la versa entièrement dans le chaudron, avant de prendre le magazine taché par les différentes potions pour vérifier ce qu'il restait à ajouter dans leur bouillabaisse peu rassurante :

« Je crois qu'il ne nous manque plus que les limaces à mettre dedans. Ah, et la pelure d'une pomme. Verte, la pomme. C'est vraiment n'importe quoi, cette potion ! En plus, il faut chaud. »

Le sorcier enleva sa chemise, restant en t-shirt un peu défraîchi, et attrapa la pomme -rouge, il n'en avait pas d'autre sous la main- à éplucher, ainsi qu'un couteau. Étrange, de passer un si bon moment avec Vera... ça changeait des fois où elle lui hurlait dessus. Un sourire à la jeune femme.

Depuis la pagaille au ministère Vera n'allait pas bien. Elle avait vu jusqu'où l'Organisation était prête à aller pour défendre ses positions, elle-même avait plusieurs fois failli mourir sous les sorts lancés par ces hommes masqués. Même pas le courage de montrer leur visage, c'était pathétique. Le regard perdu dans le vide, la plume à papotte suspendue en l'air attendant quelque chose à rapporter, la rédactrice en chef de la Gazette du Sorcier était perturbée. La vie de Matvei était en danger, elle qui avait fuit Durmstrang pour cette ambiance lourde et pesante, voilà qu'ici à Londres ce n'était pas mieux. C'était pire. C'était comme si toute notion d'amour, de paix et de respect avait disparu du coeur des gens. Elle n'était pas du genre sentimentale mais néanmoins elle accordait une certaine importance à la vie humaine. Le grincement de la porte la tira de ses pensées. Quand elle aperçue la tête de Werner elle poussa un soupir d'exaspération, qu'est- ce qu'il voulait encore ?

• « Envie de t'amuser un peu, aujourd'hui ? »

Le souffle chaud de Niels caressa sa peau, tandis que le mélange cigarette, alcool la frappa de plein fouet. Bon sang, comment les conquêtes de Werner faisaient pour supporter son haleine ? A ce moment là, apparu devant les yeux de la russe un magazine ouvert à la page de« Philtre d'amour pour sorcières glamours » de Gilda Wall-Langdon. Qu'est- ce qu'il allait encore inventé ? Curieuse, la rédactrice en chef de bougea pas, attendant la suite du plan machiavélique de Werner, et surtout les victimes de son projet.

• « J'ai une revanche à prendre sur Williams. »
  « Et je suppose que Lancaster et l'autre victime n'est- ce pas Werner ? Et bien ... pourquoi pas, de toute façon il y a peu de chances pour que ça fonctionne n'est- ce pas. »

Un sourire malicieux avait pris place sur le visage de Vera tandis que Niels s'éloignait déjà vers la kitchenette des bureaux de la rédaction. Il pouvait être pénible parfois cependant il savait lui changer les idées avec ses bêtises et autres blagues complètement idiotes ( quand ces dernières ne la visaient pas personnellement ). La préparation de tous les ingrédients mis du temps, mais apparemment le journaliste avait déjà tout préparé pour concocter la potion des amoureux. Il avait refusé de laissé sa baguette mélanger le tout laissant Vera taquine sur ses capacités magiques. Elle avait toujours adoré les cours de potions, elle y excellait comme dans tous les autres domaines d'ailleurs. A Durmstrang difficile de surpasser Vera Adamovitch et elle mettait un point d'honneur à être la meilleure au moins une fois dans sa vie. Après une fiole d'essence de belladone brisée sur le sol, l'ambiance était toujours aussi détendue. Pour la première fois depuis longtemps la rédactrice savourait le fait de faire une mauvaise blague à quelqu'un sans le moindre regrets.

• « Je crois qu'il ne nous manque plus que les limaces à mettre dedans. Ah, et la pelure d'une pomme. Verte, la pomme. C'est vraiment n'importe quoi, cette potion ! En plus, il faut chaud. »

Alors que Vera se retournait pour récupérer le pot de limaces elle se retrouva face à Niels en train de retirer sa chemise, laissant apparaître un vieux t-shirt qui malgré tout collait à son corps. Ciel, finalement l'haleine n'avait peut être pas beaucoup d'importance. La jeune femme appréciait ce moment tranquille, presque trop d'ailleurs. Une limace, puis une deuxième.

• « Si cette potion fonctionne réellement sur Lancaster et Williams j'enlève les balais du placard où tu es. En tout cas, elle est terminée à présent »

Il ne fallait pas exagérer, Werner l'avait cherché sur le coup du bureau. Un défi était un défi et elle n'avait pas hésité à l'appliquer. Soudain, alors qu'elle faisait un pas en arrière pour admirer leur travail, le pied de la rédactrice en chef se posa dans la flaque d'essence de belladone et afin de ne pas tomber elle s'agrippa à la seule chose à portée de main : le chaudron. S'en suivit un joli vol plané et les deux compères se retrouvèrent aspergé de la fameuse potion pour sorcières glamour. Au départ, il n'eut pas de différence puis quand Vera posa le regard sur Werner un étrange frisson parcourut son corps. Ils n'auraient peut- être pas dû être aussi doués en potions après tout.

Une grimace à la rédactrice en chef quand elle lui dit que si la potion fonctionnait, elle allait retirer les balais du placard où il était. Petite joueuse. Il n'avait jamais pensé qu'elle prendrait sa provocation au sérieux et, finalement... il était encore dans ce foutu placard, au lieu de partager un bureau avec Ralph, par exemple, ou Tokarieva. Et si ça lui permettait d'être tranquille pour dormir au lieu de faire ses articles, ça le coupait tout de même de la vie sociale du reste de la Gazette.
Peut-être pour cela qu'il se rattrapait avec cette petite blague fort innocente.
Niels ajouta la pelure de sa pomme, laissant toute la chair pour une future consommation. Son sourire se fit satisfait, mais il n'eut pas longtemps l'occasion de profiter de la vue de leur chef-d'oeuvre (oui, chef-d'oeuvre, rien de moins !). Sans qu'il puisse réagir autrement que par un « Vera ! » surpris et effrayé, à peine un geste pour s'élancer vers elle et ainsi retenir sa chute, celle-ci glissa sur la flaque d'essence de belladone et se rattrapa au chaudron, le renversant partout. Partout. Surtout sur eux, en fait, puis sur le reste du plancher. Normal, quand ledit chaudron plein de potion fait un vol plané pour finalement se fracasser sur une table. Instinctivement, Niels ferma les yeux en sentant son visage se recouvrir de potion, le corps raidit en position quasi défensive.

Alors qu'il s'attendait à ressentir la brûlure cuisante de la potion trop chaude sur sa peau, rien n'arriva. Pas de brûlure, pas de chaleur, et même, une vague rafraîchissante. Le sorcier leva la main pour essuyer ses yeux, tâtonnant prudemment son beau visage, mais toute la potion semblait avoir disparue. Comme si elle avait été absorbée instantanément par sa peau. Comme c'était étrange... quoique toutes les potions avaient des effets différents, qu'elles soient bus ou simplement appliquées sur l'épiderme. Les philtres d'amour ne faisaient pas exception à cette règle. Le journaliste ouvrit donc les yeux, rassuré d'être encore en un seul morceau et non pas défiguré à vie -probablement se serait-il suicidé dans les secondes suivant cette sinistre découverte, et posa lesdits yeux sur Vera.
Un étrange frisson courut sur sa nuque, tandis qu'il sentait son cœur se serrer dans sa poitrine. Mais qu'était-ce ? Il avait toujours trouvé la Russe attirante, mais actuellement, elle n'était pas simplement attirante. Elle était tout simplement sublime. Elle rayonnait, elle était une entité magnifique, adorable, splendide, qui faisait battre son cœur à toute vitesse et le faisait même faiblir. Niels s'appuya contre le comptoir de la cuisinette, incapable de détacher ses yeux de la rédactrice en chef. Oui, magnifique. Il n'avait jamais remarqué à quel point ses cheveux étaient d'un noir profond, sa peau d'une blancheur immaculée, ses yeux d'une couleur aussi envoûtante, et sa bouche... ses lèvres... Un sourire étira les lèvres de l'Anglais, qui se rapprocha de Vera avec les yeux brillants. Doucement, d'une voix grave et posée, il lui demanda :

« Tu ne t'es pas fait mal ? »

Quelle horreur si elle avait été blessée ! Il s'en aurait voulu toute sa vie, de voir une femme si magnifique souffrir, il aurait mille fois préféré être lui-même brisé en mille miettes de souffrance sur le sol plutôt qu'une seule ecchymose vienne marbrer sa peau délicate. Encore quelques pas vers elle et cette fois, ce fut son parfum qui le frappa de plein fouet. Il dut même s'arrêter pour ne pas défaillir. Depuis quand son son parfum sentait-il aussi... aussi... bon, tout simplement ? Le paradis devait avoir cette odeur délicieuse et enivrante, ou même, probablement sentait-il mauvais à côté du subtil et délicat parfum qui entourait Vera comme une aura. L'homme ne pouvait cesser de la regarder, de la contempler, et sa respiration devenait de plus en plus laborieuse. Par tous les diables... qu'on vienne le sauver de l'emprise diabolique de cette femme à la perfection surannée qui, soudainement, se révélait à lui.