The man I could have been

La journée avait été longue et ne semblait pas vouloir se terminer. Enfin, si, la journée, elle continuait de s'écouler normalement sauf que mon article, lui, n'avançait pas. Je bloquais. Purement et simplement. Ce n'était pourtant pas que je n'aie rien eu à écrire, loin de là, avec tout ce qui s'était passé ces dernières semaines de par le monde Sorcier, j'aurai pu écrire un roman, seulement, les mots ne venaient pas. Ou plutôt, mon esprit ne suivait pas. Il ne suivait plus. J'étais debout depuis l'aube tandis que le soleil déclinait depuis quelques temps maintenant et j'avais beau retourner mes phrases dans n'importe quel sens, je ne trouvais pas la tournure appropriée. « Raaaaaaaah ! » Je me levais brusquement en froissant mon enième parchemin de la journée que j'envoyais d'un geste sûr dans la corbeille avant qu'il rebondisse sur le trop plein de papier pour finir sa course en roulant sur le parquet, auprès de pas mal de ses congénères. « C'est pas possible d'être aussi cruche ! Tu sais pourtant écrire ma grande, ça t'a jamais posé de problème , alors pourquoi tu galères autant soudainement ?! » Oui, je sais, je parle toute seule. Sale habitude que j'ai chopé durant l'enfance et jamais vraiment perdue. A vrai dire, je parle aussi aux objets mais ça n'a pas d'importance.

Parcourant mon bureau en long, en large et en travers à la recherche de l'inspiration que je ne trouvais pas, je finissais par attraper rageusement la boite d'argent qui contenaient mes cigarettes et en sortais une que j'allumais prestement. Certes, il y avait des jours avec et des jours sans, mais qu'est-ce que ces derniers étaient saoulant ! Je me laissais couler dans le confortable fauteuil que j'occupais durant mon temps de travail, posais le menton dans ma main libre, mon coude s'appuyant sur le bois de mon bureau et exhalais longuement la fumée, le regard perdu sur le parchemin vierge étalé devant moi. ... Blanc ... Peut-être que si je priais, Dieu m'écrirait mon article... ? Mouerf. N'étant pas croyante, ça risquait de s'avérer compliqué. Pfff... Je m'avachissais un peu plus sur ma main et quittais mon parchemin des yeux pour le porter sur la fenêtre. La rue semblait vide et le vent s'était mis à souffler. Su-per. Avec le bol que je me trimbalais aujourd'hui, j'allais pouvoir rentrer sous la pluie. 'manquait plus que ça...

J'éteignais finalement ma cigarette dans le cendrier prévu à cet effet et me levais une nouvelle fois en lissant la jupe droite que je portais aujourd'hui. De toutes façons, je n'arriverai à rien si je continuais alors autant faire une pause. Je griffonnais rapidement ma commande sur un parchemin que je pliais en avion -eh oui, être Sorcier signifiait devenir un pro de l'origami- et envoyais le tout vers l'extérieur, direction le restaurant de Sushis de Diagon Alley. Ma commande arriverait par hibou d'ici quelques minutes, ce qui me laissais le temps d'aller me rafraîchir un peu. Je quittais mon bureau d'un pas décidé, mes talons résonnant sur le parquet des locaux de la rédaction et ouvrais la porte des Lady's room d'un léger sortilège. L'ouvrir à la main ? Et puis quoi encore ?!! Je me dirigeais vers les lavabos de facture ancienne qui ornaient l'endroit et passais mes mains sous l'eau fraiche qui s'était mise à couler à mon approche. Une fois lavées, rincées et séchées, je les plongeais dans la pochette que je n'avais pas omis d'embarquer et effectuais quelques retouches maquillage. Les bureaux avaient beau être vides, cela ne signifiait pas que je devais ressembler à rien.

Plissant les yeux pour vérifier les détails, je finissais par afficher un sourire et quittais la pièce. Une fois dans mon bureau, je reprenais place devant mon parchemin et commençais à écrire. Laisser les mots venir au hasard était une technique qui fonctionnait après tout... Il fallait que je me lance jusqu'à trouver l'accroche et tout irait bien.

Toc toc toc

Levant les yeux vers la fenêtre, je remarquais la chouette apportant mon colis. Je déverrouillais l'ouverture d'un sortilège et attrapais mon sac afin de payer. BLAM ! M*rde ! Mon miroir ! 'Manquerait plus qu'il soit brisé ! Quelle journée sérieuuuuuux... Enfin, je regarderai plus tard. Pour le moment, mieux valait que je paie le volatile si je ne voulais pas qu'il disparaisse avec ma pitance. J'échangeais mon colis contre quelques pièces et refermait la fenêtre derrière moi avant de m'occuper des dégâts causés par ma douceur habituelle... Ramassant le petit miroir de poche que je tenais de ma mère et l'ouvrant d'une impulsion de l'index, j'eus la bonne surprise de le trouver entier. Bon, au moins les sept ans de malheur ne seraient pas pour tout de suite ! J'allais le refermer d'un mouvement de la main quand je remarquais tout de même une tâche que je ne lui connaissais pas. Je le ramenais à hauteur de mon visage et plissais les paupières quand mon reflet se mit à trembler. J'écarquillais les yeux. Ça... Ce n'était pas normal. Je posais mon paquet de sushis sur mon bureau et récupérais ma main droite pour tendre un index manucuré en direction de la fameuse tâche.

Si ce fut d'abord une sensation de froid partant de mon index et s'étalant dans tout mon être, elle fut rapidement remplacée par une impression d'attirance, comme si quelque chose m'attirait vers le miroir par le bout de mon doigt. Mon tout petit miroir oui... J'avais beau ne pas être grosse, je n'étais pas censée pouvoir passer au travers !!! Sauf que c'était le cas. Après un court vertige et un léger déséquilibre, je clignais des yeux. J'étais toujours dans mon bureau... Mais quelque chose était différent... A croire que tout était inversé ! Mon bureau lui même, qui se trouvait normalement sur la gauche de la pièce était soudainement à droite, tout comme la porte qui se trouvait généralement à droite sauf là...

Je portais la main à mon front et fronçais les sourcils. Mes cheveux étaient courts, non ? Je portais la main devant ma bouche et manquait un battement de cœur. Ça piquait...! Ça piquait !! J'avais genre de la moustache ou de la barbe ?!!! Naaaaaoon... C'était impossible. Tout bonnement impossible ! HAN !! Je voyais mes pieds ?!!!! Ou était ma poitrine bordel ????!!!

Non mais sérieuuuuuux !!! C'est quoi ce bordeeeeeeeel ???! Posant les mains sur mon torse maintenant désespérément plat, je regardais mes pieds démesurément grands, eux... « Bordel de goule en slip de bain ! » m'exclamais-je d'une voix bourrue que je ne me reconnaissais clairement pas et qui, fait impossible au demeurant, me réduisit totalement au silence. J'écarquillais les yeux et portais l'une de mes énormes paluches vers mon cou en m'éclaircissant soigneusement la gorge. « Allo ? » lançais-je d'une vois que j'espérais fluette mais qui se fit entendre tel un grave baryton. « Misè- » Je m'interrompais, finissant ma phrase par la pensée et fermait les yeux. Je prenais une longue inspiration et les rouvrais. Toujours pas de poitrine. « M*rde. » Toujours cette même voix. Baissant les yeux, je remarquais que je portais toujours les mêmes vêtements, soit, jupe droite, talons et chemisier classique. Avec la toison ayant pris forme sur mes mollet, j'vous raconte pas la classe... T___T

Les clopes ! MAIS OUI ! LES CLOPES ! Un p'tit plaisantin devait avoir trouvé très marrant de mettre une sorte de polynectar dans une de mes clopes et j'étais tombée dessus tout à l'heure !!! Je me ruais vers mon bureau -manquais de tomber au passage, les grands pieds etc...- et chopais le paquet de clopes qui y trainait. Non... C'était pas possible... Je ne connaissais pas de potion qui pourraient avoir cet effet et quand bien même je ne les connaissais pas toutes, y'avait toujours cette histoire de miroir... Je m'appuyais contre mon bureau, croisais mes bras poilus et lâchais un long soupir en fusillant le miroir des yeux. Tombé au moment de ma découverte, il s'était refermé et, par peur de ce que je pourrais y voir, j'avais évité de le réouvrir. Je me pinçais les lèvres puis mordais l'inférieur, râlant intérieurement en sentant le picotement de mon bouc.

Réfléchis Cheyenne, réfléchis... Comment tu as pu te retrouver dans un tel merdier ? Un mec ?! Non mais SE-RIEUX !! Comme si avec un physique comme le mien, on désirait être un mec ?!! Même pour une journée, une heure, j'avais franchement aucune envie d'être un mec moi !!! J'avais plus qu'à espérais que mes neurones et mon sens de réflexion ne se soit pas évanoui avec ma poitrine... T__T

Je me redressais finalement et me dirigeais vers le miroir quand je fus stoppée -stoppé ?- net, dans mon mouvement... Ah oui... Forcément... Ma poitrine avait peut-être disparu, y'avait autre chose qui avait poussé un peu plus bas... Misèèèèèère... Passant le pouce dans la ceinture de ma jupe, je tirais légèrement vers l'extérieur histoire de... Rooh bah oui quoi ! Riez pas ! Vous feriez exactement pareil !!!! >___< Bref. Rassurée sur ce point tout à fait remarquable de ma nouvelle anatomie, je réessayais d'avancer. Oui oui, j'ai bien dit réessayé parce que bon, quand on n'a pas l'habitude, marcher avec un truc entre les jambes, -sans se pincer si possible- c'est pas franchement simple hein. Bon, ça reste tout de même plus simple que les talons, et moins gênant qu'un soutien-gorge n'empêche que bon, 'faut un temps d'adaptation. je continuais donc ma route et me baissais pour récupérer le miroir que j'ouvrais.

...
...

Ou pas. « Nom d'un basilic asthmatique ! Tu vas t'ouvrir saleté ?!!! » C'était bien la peine d'être un mec si j'étais même plus foutue d'ouvrir un pauvre miroir de poche !!! « Raaaaaaaaaaaaaah !!! » J'avais beau forçer l'ouverture comme un troll Tyrolien, rien n'y faisait. « Alleeeeeeeeez !!! AIE !! P*TAIN !!! » J'm'étais pêté un ongle !!! BLAM ! Avec la la délicatesse d'un coup de genou dans les parties génitales, je balançais le miroir à travers la pièce quand on frappa à la porte. « Cheyenne ? Tout va bien ? » M*RDEUUUUH !! Vera ! 'manquait plus que ça !! Je prenais une voix de fausset en promenant mon regard maintenant paniqué à travers la pièce, à la recherche d'une planque potable. « OUi ouI.. HeuUUu Non eNTRe pAS *tousse* J'ai un pEU la crEVE, maIS çA va !! » Aaaah ! Elle pouvait pas entrer ! Pas maintenant ! C'était un coup à ce que je m'retrouve dans la gazette !! Naaaaooon ! Au secouuuuurs !!!!! >___<

Ne trouvant finalement que le bureau, je me glissais totalement dessous, priant pour qu'elle n'ouvre pas cette stupide porte... Misèèère. Comment j'allais m'en sortir ! 'fallait que je trouve un moyen ! Je pouvais pas rester ainsi !! Pas possible ! Je préférais encore Azkaban !! T___T Ah ! Un informulé sur la porte ! Ça pouvait fonctionner !! Ou est-ce que j'avais foutu ma baguette ?!!! VIIIIITEUUUUH !!!

« Heu... Ok, je te laisse alors... 'gaffe au mobilier quand même. » Gna gna gna. Depuis sous le bureau, je grimaçais à la recommandation et attendait que le bruit de ses talons s'éloigne dans le couloir. Je laissais échapper un soupir et baissais la tête. C'était quoi ce merdier ?!!! Je me laissais le temps de respirer une seconde puis me rappelais l'existence de ma baguette. Je reculais à quatre pattes et me dépliais une fois derrière le bureau pour attraper mon sac à main. Ou ma sacoche ? Tiens, j'avais pris une sacoche aujourd'hui ? ... Mouais, ça n'avait pas d'importance. Je l'ouvrais et y trouvais ma baguette que je pointais sur la porte du bureau pour verrouiller la porte d'un informulé.

Bon. Ça c'était fait... Maintenant... Maintenant quoi ? Je faisais quoi ? j'allais pas rester enfermée ici jusqu'à ce qu'il pleuve des grenouilles quand même... Non, ça, ce n'était pas envisageable. Mais rentrer chez moi... Comme ça ? Ça signifiait traverser la Gazette et franchement, accoutrée comme je l'étais, ça ne me tentait pas vraiment... Mais avais-je vraiment le choix ? Partie comme ça, il me faudrait même passer à Sainte Mangouste... Pff... Misèèère... Mais qu'est-ce que j'avais fait pour mériter ça ?

J'inspirais profondément et me calmais tant bien que mal. Sortir comme ça ? Pas possible. Mais j'avais peut-être laissé des affaires de rechange dans l'un de mes tiroirs. Je laissais un pantalon de temps en temps au cas ou un scoop se présente et me demande de courir. Motivée, j'ouvrais le tiroir du bas de mon bureau pour y trouver... Rien du tout. Je pestais. Levant les yeux, je parcourais la pièce du regard et tombais finalement sur mon sac de lessive, que j'avais totalement oublié d'emporter la veille. Ouais !!! Enfin une bonne nouvelle !! Je me précipitais vers l'objet de mes désirs, l'ouvrais et en sortait... Un jeans ! Alleluiaaaa !

D'un geste rapide, je virais mes talons et ma jupe pour les remplacer par mon magnifique pantalon, dont je fermais précautionneusement les boutons. Pas de chaussures, tant pis, je ferais sans. Ainsi vêtue, je m'approchais de la porte que j'ouvrais. Ou pas. Je ressortais ma baguette, déverrouillais le loquet et entrouvrais le battant, juste assez pour m'assurer que le couloir était désert. Jusqu'ici, tout allait bien. Je prenais une bonne inspiration puis ouvrais la porte pour me faufiler à l'extérieur. Les yeux rivés sur mes pieds, j'avançais le plus rapidement possible à travers les différents corridors en direction de la sortie quand j'entendis des pas venir dans ma direction. M*rde ! Paniquant, je pris la première porte à ma droite et me planquais dans le bureau le temps que le troupeau passe.

Inspirer... Expirer...

Au fait, il était bien vide ce bureau hein... ? Tournant lentement la tête, je parcourais la pièce du regard et n'y trouvais... Personne. OUF. Je collais mon oreille contre le bois de la porte et une fois sûre que le couloir avait retrouvé son calme, m’apprêtais à sortir quand je remarquais un reflet brillant. Un miroir. Plissant les yeux, je changeais d'objectif et délaissais le couloir pour mon reflet.

... Ben en grand, c'était encore pire.

Je m'approchais néanmoins de l'objet et tendais la main. Ça ne servirait à rien, j'en étais persuadée et pourtant, c'était plus fort que moi.